Compte rendu de la 3ème Ecole Activiste de QAYN
Par Lola Kamarizah (Cameroun)
Je reconnais que j’étais très violent. Je m’engage en partant d’ici à abandonner la violence ici à Cotonou et défendre plus que jamais les droits des femmes. J’ai compris qu’être un homme ne me donne aucun droit sur les femmes parce qu’elles sont femmes.…
Avant qu’E. n’ait pu finir sa phrase, une voix avait dit « non ne nous laisse pas ta violence ici ! » faisant sourire tout le monde. Nous sommes le 10 juin 2016. Nous sommes au dernier jour de l’école activiste de QAYN sur l’activisme Queer et Féministe en Afrique de l’Ouest francophone. Il est bientôt 13h et l’émotion est palpable. C’est l’heure de l’évaluation orale. Réuni.e.s en cercle, on peut voir qu’il y en a qui retiennent leurs larmes. Mais que s’est-il donc passé à Cotonou pour vivre un moment aussi chargé d’émotions ?
C’est qu’à Cotonou, du 6 au 10 juin, une cinquantaine de militantes LGBTQ se sont réunies pour parler de l’activisme Queer et du féminisme. En majorité animées par « mama Awa » et par Mariam co fondatrice de QAYN, les ateliers se sont déroulés tous les jours de 9h à 17h. Tout a commencé par un fil, un seul qui a relié les participantes et permis de tisser une toile. Un fil nous relie. S’il est coupé à un endroit, tout le monde en subirait les effets. Un mot d’ordre alors pour la durée du séjour et pour la vie : so.li.da.ri.té.
Les deux premiers jours ont consisté à explorer et à analyser les raisons de l’engagement militant au sein des associations LGBT. Il en ressort plusieurs déterminants communs, à commencer par des expériences individuelles d’exclusion, de stigmatisation et de rejet soit du fait d’être une femme dans un corps masculin, soit du fait d’être une femme qui aime d’autres femmes, soit d’avoir un corps de femme et se comporter ou s’habiller comme un homme. En fait, le point fondamental qui nous rassemble c’est la prise de conscience d’une identité, d’une attitude et de pratiques non conformes aux attentes sociales. A cette prise de conscience a suivi un cheminement vers un activisme d’abord sous le couvert des organisations féminines ou des organisations LGBT majoritairement constituées d’hommes, puis progressivement vers la prise en compte des besoins spécifiques des femmes au sein de ces mobilisations. L’engagement militant prend ainsi racine sur le caractère effacé et périphérique des espaces et des activités consacrés aux femmes qui aiment d’autres femmes (FSF). Passer de l’individuel au collectif ne s’est fait pas sans obstacles. Il en ressort que le fait de se mobiliser pour la cause FSF ne s’accompagne pas toujours nécessairement du fait d’être mobilisé. Des conflits de leadership, de même qu’un esprit de compétition et l’abus des privilèges empêchent souvent les militants d’une même cause à travailler ensemble de manière collective. On retiendra qu’en tant qu’activistes queer et femmes, il est de notre devoir de faire preuve d’auto critique permanente sur la manière dont nous menons notre activisme au sein de nos communautés.
Présentation de travaux de groupes
Durant les deux jours suivants, les ateliers ont porté sur un spectre plus large de notre engagement militant. C’est un fait, l’enfermement identitaire n’est pas émancipateur, au contraire, il faut situer nos luttes pour l’émancipation au sein de luttes plus larges et en avance en termes de structuration ou d’outils. Ensemble, nous avons revisité les concepts de féminisme, de Trans (identités) et queer. Nous avons trouvé ensemble des intersections entre ces luttes et nous avons analysé l’importance de l’interconnexion profonde entre ces trois dimensions. Si être queer c’est se définir en dehors des cadres normatifs associés au genre et à la sexualité, être Trans relève aussi de la même démarche, une affirmation de soi comme homme, comme femme ou comme trans, indépendamment des caractéristiques physiques et sociales associées au sexe biologique de naissance ; le féminisme fait référence à la lutte pour l’égalité civile, politique et économique entre les hommes et les femmes. Il se trouve que les différentes formes d’oppression que nous subissons en tant que FSF ne sont que les effets pervers de deux modèles dominants de société dont il s’agit de se libérer et de combattre : le patriarcat et l’hétéronormativé.